Une nouvelle affaire de détournement présumé de fonds publics secoue la République démocratique du Congo. Au cœur des préoccupations : un projet de construction d’une prison à Kisangani, évalué à 29 millions de dollars, dont 19 millions auraient déjà été transférés sur le compte d’une société privée dans des conditions opaques.
Le député national Willy Mishiki a récemment adressé une question orale avec débat aux ministres de la Justice, du Budget et des Finances, exigeant des explications claires sur les contours de ce projet controversé.
Il s’appuie sur une correspondance de la Cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF), transmise à la Première ministre Judith Suminwa, faisant état de multiples irrégularités.
Selon la CENAREF, le contrat liant l’État à la société adjudicataire n’aurait pas été validé par les instances compétentes. Plus troublant encore : près de 19 millions de dollars auraient déjà été versés sur le compte bancaire d’une entreprise récemment créée, sans que les procédures légales de passation de marché aient été pleinement respectées.
Pour Willy Mishiki, il s’agit d’un « détournement déguisé » impliquant potentiellement des membres du gouvernement.
Contacté par RFI, le ministre de la Justice Constant Mutamba a reconnu l’existence du projet, qu’il qualifie de « priorité nationale » pour lutter contre la surpopulation carcérale. Il précise que la future prison, d’une capacité de 3 000 détenus, fait partie d’un programme plus large de réforme pénitentiaire qui prévoit également la construction de quatre maisons d’arrêt à Kinshasa.
Concernant les fonds, le ministre insiste sur le fait que les 19 millions de dollars sont actuellement bloqués dans un compte séquestre. « L’argent n’est pas encore accessible à l’entrepreneur », affirme-t-il, tout en soulignant que le projet reste à ce jour à l’étude au niveau de la primature. Aucune décision définitive n’a encore été prise par la cheffe du gouvernement.
Cette affaire relance le débat sur la gouvernance des finances publiques en RDC, où les scandales de détournement de fonds continuent de ternir l’image des institutions. L’implication présumée de membres du gouvernement, dont Constant Mutamba, dans ce dossier sensible pourrait fragiliser davantage la confiance de la population dans l’exécutif, à un moment où des efforts sont annoncés pour améliorer la transparence et la redevabilité.
Alors que l’opinion publique attend des réponses claires, la Première ministre Judith Suminwa est désormais sous pression pour faire toute la lumière sur cette affaire.
Suzanne Kalambay