Guerre dans l’Est : voici ce que les pays de la CEEAC reprochent à Kigali

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Le sommet des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) a tranché : le Rwanda ne prendra pas la présidence tournante de l’organisation, comme initialement prévu. Une décision motivée par l’implication présumée de Kigali dans le conflit à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), notamment à travers son soutien à la rébellion du M23/AFC.

Réunis à Sipopo à l’occasion de la 26ᵉ session ordinaire, les dirigeants de la CEEAC ont opté pour une prolongation exceptionnelle du mandat du président équato-guinéen, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, à la tête de l’organisation. Ce dernier reste donc président en exercice de la Conférence des chefs d’État pour une année supplémentaire.

« La Conférence a différé à un autre moment le passage de la présidence tournante de la Communauté à la République du Rwanda. Elle a par conséquent décidé de maintenir S.E.M. Obiang Nguema Mbasogo comme président en exercice de la Communauté pour une période supplémentaire d’une année », précise le communiqué final.

Conflit RDC-Rwanda : la CEEAC hausse le ton

Au cœur de cette décision : la situation sécuritaire explosive dans l’Est de la RDC. La CEEAC a exprimé son inquiétude face à l’aggravation des violences, en particulier les offensives menées par le groupe armé M23, soutenu selon elle par Kigali. La Conférence a salué les initiatives de paix en cours, notamment les processus de Luanda et de Nairobi, tout en exhortant le Rwanda à retirer ses troupes du territoire congolais.

« La Conférence a exprimé son soutien sans réserve aux initiatives de résolution du conflit entre la RDC et le Rwanda. Elle a encouragé la République du Rwanda à mettre en œuvre les dispositions relatives au retrait immédiat des Forces de défense rwandaises du territoire congolais », poursuit le communiqué.

Kinshasa applaudit, Kigali se retire

La réaction de Kinshasa n’a pas tardé. Sur X (ex-Twitter), le porte-parole du gouvernement congolais, Patrick Muyaya, a salué une décision « juste et courageuse ».

« On ne peut pas continuellement violer les principes fondamentaux des organisations régionales tout en prétendant les diriger. Le narratif mensonger et le lobbying ne triompheront jamais de la vérité et de la justice », a-t-il écrit.

En revanche, le Rwanda a pris acte de ce revers diplomatique en annonçant son retrait pur et simple de la CEEAC. Dans un communiqué cinglant, Kigali accuse la RDC de manipuler l’organisation avec la complicité de certains États membres.

« Le droit du Rwanda à la présidence tournante, garanti par l’article 6 du traité constitutif de la CEEAC, a été délibérément bafoué pour imposer le diktat de la RDC », dénonce le gouvernement rwandais, qualifiant l’organisation de structure désormais « disqualifiée » pour garantir la neutralité régionale.

Un divorce prévisible ?

Ce retrait intervient dans un climat de fortes tensions entre Kinshasa et Kigali, qui ont marqué les derniers sommets de la CEEAC. Déjà en mars 2023, le Rwanda avait contesté son exclusion du 22ᵉ sommet tenu à Kinshasa, dénonçant un traitement discriminatoire. Deux réunions de conciliation, organisées le 4 juin dernier à Malabo, n’ont pas permis de surmonter le blocage, alors que la RDC aurait menacé à son tour de quitter l’organisation si la présidence était confiée à Kigali.

La rupture actée ce 7 juin s’inscrit dans une dynamique régionale où les condamnations à l’encontre du Rwanda se multiplient. La CEEAC, comme l’Union africaine et d’autres instances, pointe régulièrement la responsabilité du régime de Paul Kagame dans la résurgence du M23 et l’occupation de certaines zones du Nord-Kivu, en violation du droit international.

Un avenir incertain pour la CEEAC

La décision de maintenir le statu quo à la tête de l’organisation traduit la fragilité des équilibres régionaux. La CEEAC, qui cherche depuis des années à s’affirmer comme un acteur clé dans la stabilisation de l’Afrique centrale, se retrouve aujourd’hui confrontée à une fracture profonde entre deux de ses membres majeurs.

Patrick Kalume

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