Pour la première fois depuis l’intensification du conflit dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), des négociations directes entre le gouvernement congolais et la rébellion du M23, regroupée aujourd’hui au sein de l’Alliance du Fleuve Congo (AFC), s’ouvrent ce mardi à Doha, au Qatar. Une rencontre qualifiée de « cruciale » par plusieurs observateurs, tant elle pourrait marquer un tournant décisif dans l’un des conflits les plus meurtriers du continent.
Jusqu’ici, les discussions entre les deux camps se faisaient par l’intermédiaire de médiateurs qataris. Ce face-à-face inédit inaugure une phase nouvelle d’un processus de paix longtemps resté dans l’impasse, miné par des postures irréconciliables et une méfiance mutuelle.
**Un objectif ambitieux mais incertain**
L’enjeu est de taille : parvenir à un accord politique qui mettrait un terme aux violences qui déchirent les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Des régions ravagées par des années de combats, de déplacements massifs de population et de graves atteintes aux droits humains.
Mais l’AFC/M23, dont le soutien du Rwanda est dénoncé par Kinshasa et plusieurs chancelleries occidentales, a d’ores et déjà posé ses conditions pour entamer des négociations jugées « sincères et constructives ».
Les six exigences du M23 pour un dialogue crédible
Selon plusieurs sources proches du dossier, le mouvement rebelle a soumis une liste de six préalables, qu’il considère comme indispensables à l’ouverture d’un véritable processus de paix :
1. Déclaration publique de volonté politique : Le président Félix Tshisekedi devra faire une déclaration solennelle exprimant l’engagement de son gouvernement à dialoguer directement avec l’AFC/M23.
2. Annulation des mesures restrictives : Le M23 exige l’abrogation de la résolution de l’Assemblée nationale du 8 novembre 2022 et de toutes les autres sanctions prises contre ses membres, condition qu’il estime essentielle pour créer un climat propice aux discussions.
3. Levée des poursuites judiciaires : L’annulation des condamnations à mort, des poursuites judiciaires et des mandats d’arrêt visant ses cadres, ainsi que la suppression de toute prime offerte pour leur capture, figure également parmi ses revendications.
4. Libération des personnes détenues : Le mouvement demande la libération immédiate de toutes les personnes arrêtées, civiles ou militaires, accusées à tort, selon lui, de connivence avec l’AFC/M23 sur base de leur ethnie, langue ou relations sociales.
5. Lutte contre les discours de haine : L’AFC/M23 réclame des mesures fermes contre les discours incitant à la haine ethnique, les discriminations, les chasses à l’homme et les violences ciblées contre les locuteurs du swahili ou du kinyarwanda, perçus comme des « infiltrés ».
6. Cessez-le-feu bilatéral formel : Enfin, la signature d’un accord de cessez-le-feu entre les deux parties est exigée comme base minimale pour la poursuite des pourparlers.
Un processus fragile sous haute tension
Ces revendications mettent en lumière les profondes fractures ethniques et politiques qui alimentent le conflit, mais aussi les défis majeurs auxquels devront faire face les négociateurs qataris. Si Kinshasa n’a pas encore réagi officiellement à ces demandes, des sources diplomatiques indiquent que leur acceptation partielle pourrait ouvrir la voie à des avancées concrètes.
La communauté internationale, notamment l’Union africaine, l’ONU et les partenaires régionaux, suit de près cette médiation. Tous espèrent que Doha sera le théâtre d’un nouveau départ vers la paix, dans une région trop longtemps abandonnée aux violences et à l’impunité.
Patrick Kalume
Crise en RDC : voici les conditions préalables de l’AFC/M23 pour une négociation sincère avec Kinshasa
