Accusé de trahison, présenté comme un sauveur par ses proches, Joseph Kabila divise les Congolais. Entre rumeurs d’alliance avec le M23 et dénonciations virulentes du gouvernement, son séjour à Goma ravive toutes les tensions.
Depuis trois jours, l’ancien président congolais Joseph Kabila est à Goma. Un déplacement discret mais lourd de symboles, dans un contexte explosif. Tandis que sa présence alimente les rumeurs les plus folles, entre projet de retour politique et rapprochement présumé avec les rebelles du M23, les réactions se multiplient. Le gouvernement parle d’un acte de guerre, tandis que ses proches assurent qu’il agit par amour du Congo.
Un retour en terrain miné
D’après des sources proches de l’ex-président et du mouvement rebelle AFC-M23, Joseph Kabila a multiplié les réunions depuis son arrivée dans la capitale du Nord-Kivu. Il aurait lancé une série de consultations, selon ses conseillers. Ce séjour intervient alors que son immunité parlementaire a récemment été levée, ouvrant la voie à des poursuites judiciaires pour trahison et participation à un mouvement insurrectionnel.
Alliance implicite avec le M23 ?
Interrogé par RFI, Kikaya Bin Karubi, ancien ambassadeur et proche collaborateur de Kabila, tente de nuancer les soupçons :
« Le président Kabila est prêt à travailler avec quiconque aime passionnément le Congo. Si l’AFC-M23 prouve qu’il aime le pays, pourquoi pas ? »
Une déclaration qui fait bondir une partie de l’opinion. Le M23, responsable de graves exactions dans l’est du pays, était jadis combattu par Kabila lui-même. Comment expliquer un tel retournement ?
« Les raisons qui ont poussé le M23 à prendre les armes en 2012 ne sont pas les mêmes qu’aujourd’hui », avance Kikaya. Selon lui, le mouvement aurait été en désaccord avec le pouvoir de Félix Tshisekedi après une tentative de rapprochement.
Ce discours, où se mêlent critiques du pouvoir actuel et justifications d’une alliance impensable hier, divise profondément la classe politique.
Patrick Muyaya : Kabila veut faire la guerre
Le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a réagi fermement ce mardi 27 mai. Pour lui, aucune ambiguïté n’est permise :
« Quand vous dites vouloir mettre fin à la tyrannie, de quelle manière ? Par la guerre ? »
« Le message à la population est clair : ‘Préparez-vous, on va faire la guerre.’ C’est le retour de l’homme du passé : la guerre, les compromis sur les minerais, la corruption. »
Le gouvernement congolais estime que ce retour inattendu de Kabila à Goma pourrait saper les efforts pour rétablir la paix dans l’Est. « Tous les supplétifs du Rwanda seront traités pour ce qu’ils sont », a conclu Muyaya.
Julien Paluku : Il va porter les massacres à son actif
Julien Paluku, ancien gouverneur du Nord-Kivu aujourd’hui ministre du Commerce extérieur, n’a pas caché sa consternation lors de la même conférence de presse.
« Je connais Joseph Kabila. L’homme que je vois à Goma, ce n’est pas celui que j’ai connu », a-t-il lancé.
Celui qui a été l’un des plus fidèles soutiens de Kabila évoque une trahison morale :
« Il accepte aujourd’hui de collaborer avec des officiers qu’il avait lui-même radiés. Il porte désormais à son actif les massacres de Kishishe, de Bunagana, de Ntamugenga… C’est grave. »
Paluku appelle la population à la mobilisation générale pour refuser cette compromission. Il évoque même un choc personnel :
« Que Paul Kagame, contre qui Kabila s’est battu pendant 18 ans, soit celui qui l’introduise à Goma… C’est inacceptable. »
Un moment charnière pour la RDC
La présence de Joseph Kabila à Goma pourrait bien être un tournant dans la crise que traverse la RDC. Entre nostalgie d’un homme fort pour ses partisans, et retour menaçant pour ses détracteurs, la scène politique congolaise entre dans une période de turbulences.
Alors que la région du Nord-Kivu reste instable et que la guerre contre le M23 continue, le flou autour des intentions de l’ancien président risque d’alimenter une polarisation croissante du pays.
Joseph Kabila est-il venu sauver la nation ou la replonger dans ses vieux démons ? La question reste entière.
Avec la Radio France Internationale RFI
Crise en RDC : des interrogations autour de la vraie mission de Joseph Kabila à Goma
