Alors que Goma suffoque sous les conséquences de la guerre et d’une paralysie économique sans précédent, un pan souvent ignoré de la population lutte en silence : les travailleuses du sexe, précipitées dans une précarité extrême.
Depuis la prise de contrôle de Goma par la coalition M23-AFC fin janvier 2025, l’argent a du mal à circuler, les banques sont fermées, les expatriés sont partis, l’argent de l’Etat a du mal à atteindre les agents, les humanitaires rentrent un à un. Cette situation a des répercussions sur tous les plans, et les professionnels de sexe ne sont pas épargnés.
« Avant, une passe valait 10 000 francs congolais (environ 5 USD) », confie Amina, la vingtaine, fine silhouette accrochée à une ruelle poussiéreuse d’un quartier périphérique. « Maintenant, si on en tire 3 000 ou 4 000, c’est presque un miracle. Les clients n’ont plus rien. », ajoute-t-elle à nos confrères de Congorassure.cd
Les récits se suivent et se ressemblent. Sarah, assise sur un muret, le regard fatigué, raconte à son tour : « On n’a pas le choix. On doit manger, payer un toit. Même si ça ne vaut plus rien, on accepte. »
Avec l’effondrement de l’économie locale – banques fermées, salaires publics gelés, commerces en berne – la demande pour les services sexuels a chuté brutalement. Et dans une profession déjà marginalisée, la concurrence s’intensifie. Les tarifs s’effondrent, les risques explosent.
Ce dumping forcé a un coût. Pour compenser la baisse des revenus, les travailleuses du sexe sont contraintes de multiplier les passes, souvent dans des conditions précaires. Résultat : une exposition accrue aux violences, aux rapports non protégés, et aux infections sexuellement transmissibles. « Il y a des clients qui refusent de payer, ou qui deviennent violents. On est seules, sans recours », lâche Amina.
Malgré les efforts de quelques ONG locales, la réponse humanitaire reste insuffisante. « Les besoins dépassent largement nos capacités actuelles », admet un acteur d’une organisation de terrain, qui préfère rester anonyme. Il évoque le manque de moyens, l’insécurité permanente et l’absence d’une coordination efficace.
### Un appel à l’aide ignoré
Derrière les chiffres et les récits, ce sont des femmes, des vies suspendues, qui crient à l’aide. La crise les a réduites à l’essentiel : survivre, jour après jour. « On ne demande pas la charité, juste qu’on nous voie et qu’on nous aide à traverser cette période », plaide Sarah.
Dans une ville prise en étau entre guerre et misère, leur combat se déroule loin des projecteurs. Pourtant, il incarne l’une des facettes les plus crues et les plus humaines de la crise : celle d’une économie souterraine en lambeaux, mais portée par des femmes qui, malgré tout, continuent de se battre pour exister.
Ilunga Mubidi Oscar
Crise économique à Goma : les travailleuses de sexe dans la galère, les tarifs en chute libre
