Depuis plusieurs heures, les réseaux sociaux et certains médias s’enflamment autour d’une rumeur : le président Félix Tshisekedi aurait refusé la démission de Constant Mutamba, ministre de la Justice et garde des Sceaux. Une affirmation qui ne résiste pourtant pas à l’analyse juridique et constitutionnelle.
D’après l’article 80, alinéa 2 de la Constitution de la République démocratique du Congo, lorsqu’un ministre en fonction est visé par des poursuites judiciaires, sa démission devient automatique dès que l’Assemblée nationale est saisie par le procureur général et donne son autorisation.
C’est précisément ce qui s’est produit le 17 juin 2025. Ce jour-là, le procureur général près la Cour de cassation a officiellement saisi la chambre basse du Parlement pour obtenir l’autorisation de poursuivre Constant Mutamba. Conformément à la loi, ce dernier a donc perdu son poste dès le lendemain à midi, sans qu’aucun décret présidentiel ne soit nécessaire.
En d’autres termes, Félix Tshisekedi n’a pas eu à accepter ou refuser la démission : la Constitution s’est appliquée automatiquement.
Alors pourquoi l’opinion publique croit-elle à un éventuel « refus » présidentiel ? La réponse semble se situer du côté du silence stratégique et des jeux politiques en cours. Jusqu’à présent, le chef de l’État n’a ni publiquement désavoué Constant Mutamba, ni annoncé son remplacement au sein du gouvernement.
De plus, l’intéressé continue de s’exprimer comme s’il était encore en fonction, ce qui entretient l’ambiguïté. Cette attitude a pu être interprétée par certains analystes ou partisans comme un signe de soutien tacite de la présidence, voire comme une contestation implicite de la procédure en cours.
Dans une lettre adressée au président Félix Tshisekedi le 17 juin, Constant Mutamba a formalisé sa démission avec fracas. Il y dénonce un « complot politique » visant à l’écarter, qu’il attribue à des influences extérieures, notamment le Rwanda.
« Je suis surpris par un coup de poignard dans le dos, à travers un complot politique visiblement conçu à Kigali et exécuté par certains de nos compatriotes », écrit-il. L’ancien ministre affirme que son éviction s’inscrit dans une volonté de déstabiliser le gouvernement congolais et de bloquer les réformes en cours, notamment dans le secteur judiciaire.
Il cite même un message posté par le chef de la diplomatie rwandaise pour appuyer ses accusations et souligner, selon lui, la dimension internationale du complot dont il serait victime.
Du côté de la présidence congolaise, on confirme avoir reçu cette lettre de démission, ce qui acte définitivement la fin des fonctions de Constant Mutamba au sein du gouvernement. Il est désormais à la disposition de la justice.
Cette affaire intervient dans un climat de fortes tensions entre Kinshasa et Kigali, et ravive les débats sur la cohésion au sein de l’exécutif congolais.
En résumé, le président Félix Tshisekedi ne peut ni accepter ni refuser une démission automatique imposée par la Constitution en cas de poursuites judiciaires contre un ministre. Ce qui alimente la confusion, c’est l’absence de clarification publique de la part de la présidence et le comportement ambigu de l’ex-ministre lui-même. Cette situation illustre à quel point le droit et la politique s’entremêlent dans un contexte national tendu, sur fond de crise régionale.
Ilunga Mubidi Oscar