Le 18 mars 2025, une rencontre inédite entre les présidents de la République Démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, et du Rwanda, Paul Kagame, s’est tenue à Doha, sous la médiation de l’émir du Qatar, Tamim ben Hamad al-Thani. Cet entretien marque un tournant dans les relations entre les deux voisins africains, après plus d’un an de tensions liées à la guerre qui secoue l’Est de la RDC. Cependant, les divergences d’interprétation sur les conclusions de cet entretien mettent en lumière la complexité de la situation.
Depuis plusieurs mois, le Qatar a joué un rôle clé dans les discussions visant à apaiser les tensions entre Kinshasa et Kigali. Cette rencontre ne résulte pas d’une initiative de dernière minute mais d’une série de contacts diplomatiques, qui ont pris forme en janvier 2025 avec des échanges entre l’émir et les deux présidents.
Le choix de Doha n’est pas anodin. Le Qatar, avec ses solides relations tant avec la RDC qu’avec le Rwanda, apparaît comme un médiateur naturel, capable de maintenir un dialogue malgré les divergences.
Le contexte de cette rencontre diffère de celui de l’année précédente. D’un côté, les pressions internationales sur Kigali, notamment en raison du soutien présumé du Rwanda à la rébellion du M23, se sont intensifiées.
De l’autre, Félix Tshisekedi semble avoir évolué dans sa position en acceptant, de manière tacite, la nécessité de négocier, notamment avec le M23, un groupe armé qu’il avait jusque-là refusé de reconnaître. Les rapports de forces sur le terrain, où le M23 a consolidé son contrôle sur des villes stratégiques comme Goma et Bukavu, ont indéniablement pesé dans cette révision de position.
La présidence congolaise, dans son communiqué, évoque un accord pour un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel. Pour Kinshasa, ce compromis représente une avancée majeure vers une paix durable dans l’Est de la RDC. Cependant, cette version est immédiatement contredite par Kigali, qui rappelle que le cessez-le-feu mentionné a été décidé lors du sommet du 8 février 2025 à Dar-es-Salaam, sans qu’aucun accord concret n’ait été atteint sur le terrain. Pour Kigali, il ne s’agit donc pas d’une nouveauté mais plutôt de la réaffirmation d’un engagement ancien.
Le fait qu’aucun document officiel n’ait été signé ce jour-là, et l’absence de détails sur les engagements concrets, renforce cette divergence d’interprétation. Le Qatar, par la voix de son émir, se contente de rappeler les engagements pris en février 2025, sans préciser si de nouvelles initiatives ont vu le jour à Doha.
Bien que cet entretien n’ait pas donné lieu à un accord formel, plusieurs sources diplomatiques affirment que les discussions ont permis de poser les bases d’un dialogue plus constructif. Selon ces sources, l’objectif n’est pas de créer un « processus de Doha » indépendant mais de soutenir les démarches en cours à travers les initiatives régionales telles que celles menées à Luanda et Nairobi. Ainsi, deux dialogues directs sont en préparation : l’un entre Kinshasa et Kigali, l’autre entre Kinshasa et le M23.
Le Qatar, par son engagement diplomatique, reste un acteur de soutien et d’appui, mais n’entend pas supplanter les négociations menées par les blocs régionaux. L’essentiel reste de reconstruire la confiance entre les parties, un objectif long et complexe, mais d’une importance capitale pour la stabilité de la région.
L’initiative qatarie s’inscrit dans un cadre plus large de diplomatie régionale où le Qatar renforce sa position en tant que médiateur et acteur clé. Son implication avec la RDC et le Rwanda ne se limite pas à la crise sécuritaire de l’Est, mais englobe également des enjeux économiques, comme en témoignent les investissements dans les infrastructures et le secteur aérien entre le Qatar et ces deux pays.
Les relations économiques entre le Qatar et le Rwanda sont particulièrement solides, notamment avec l’implication de Qatar Airways dans le projet d’aéroport de Bugesera. De son côté, la RDC a signé des accords de coopération avec le Qatar, notamment pour la modernisation de ses infrastructures portuaires et aéroportuaires. Ces liens économiques renforcent la position du Qatar comme un partenaire stratégique pour les deux nations.
Alors que l’initiative de Doha représente un espoir de réconciliation, les divergences sur le contenu de l’accord et l’absence de résultats concrets sur le terrain laissent entendre que cette rencontre ne marquera peut-être pas la fin des hostilités.
Si le Qatar a réussi à ouvrir un canal de communication entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame, le chemin vers la paix durable reste semé d’embûches. La communauté internationale, et notamment les voisins de la RDC et du Rwanda, devra suivre de près l’évolution de cette dynamique fragile, tout en espérant que les dialogues directs et les initiatives régionales finissent par porter leurs fruits.
La suite de ces discussions, toujours sous l’égide du Qatar, pourrait être déterminante pour l’avenir de la région, mais les prochains mois seront cruciaux pour évaluer si les engagements de Doha pourront véritablement se traduire par des avancées tangibles sur le terrain.
Avec la Rfi