Depuis le début de l’offensive des rebelles du M23 à Goma en janvier, deux partis politiques français se sont fermement positionnés en soutien à la République Démocratique du Congo (RDC).
Le Rassemblement National (RN), d’extrême droite, et La France Insoumise (LFI), d’extrême gauche, ont ainsi pris fait et cause pour Kinshasa, affichant des divergences politiques importantes, mais une convergence sur la défense des intérêts congolais.
Toutefois, cette alliance improbable entre ces deux formations, en dépit de leur opposition commune à la politique étrangère du président Macron, soulève de nombreuses interrogations.
Une image a marqué les esprits. Le 7 mars dernier, Félix Tshisekedi, président de la RDC, a accueilli à la Cité de l’Union africaine trois eurodéputés du RN : Thierry Mariani, Virginie Joron et Philippe Olivier, conseiller politique de Marine Le Pen. Un événement d’autant plus étonnant que cette rencontre, selon *Jeune Afrique*, aurait été organisée à l’initiative de la présidence congolaise, avec prise en charge des frais de transport et d’hébergement.
Après leur entretien avec Tshisekedi, les trois représentants du RN ont eu des échanges avec plusieurs ministres congolais, y compris la Première ministre Judith Suminwa Tuluka. Ces visites officielles font partie d’une démarche plus large du RN, en particulier par l’intermédiaire de Thierry Mariani, qui mène une bataille féroce au Parlement européen contre le Rwanda et son président Paul Kagame. Mariani qualifie régulièrement Kagame de « dictateur » et, comme Marine Le Pen l’a souligné en janvier, dénonce le pillage par Kigali des ressources naturelles de la RDC, accusant l’Union européenne d’être le « receleur » de ce pillage.
Ces accusations sont reprises avec virulence par La France Insoumise. Clémence Guetté, députée LFI, a récemment accusé la Commission européenne de complicité avec le Rwanda dans ce « pillage » des ressources congolaises. De son côté, Carlos Martens Bilongo, député LFI d’origine congolaise et président du groupe d’amitié France-RDC, prévoit de déposer une proposition de résolution européenne visant à condamner la politique du Rwanda.
Les motivations derrière cette posture sont multiples. D’une part, la RDC est le plus grand pays francophone au monde, et sa diaspora en France est particulièrement influente. LFI, qui s’adresse fréquemment aux minorités, trouve un terreau fertile pour sa politique internationale dans cette situation.
Cette démarche est parfois perçue par les détracteurs comme une manœuvre électoraliste, visant à capter les voix de la communauté congolaise en France.
Par ailleurs, cette position vis-à-vis de la RDC pourrait également avoir une dimension politique interne. LFI cherche à se distinguer de la politique de Macron, qui entretient des liens étroits avec Paul Kagame. En affichant un soutien fort à Kinshasa, LFI tente de se poser en alternative crédible sur la scène internationale et de critiquer, indirectement, la bienveillance de la France à l’égard du président rwandais.
Pour le RN, le soutien à la RDC répond à une volonté de s’aligner sur des positions anti-Kagame, en raison notamment des accusations de responsabilité de l’armée française dans le génocide des Tutsis. Cette question a toujours été un point de friction majeur entre la France et le Rwanda, et le RN n’a jamais digéré la position du président rwandais sur ce dossier.
Ainsi, bien que le Rassemblement National et La France Insoumise soient aux antipodes sur le spectre politique, leur position commune de soutien à la RDC et leur virulente critique de Paul Kagame marquent un tournant dans les débats sur la politique étrangère française en Afrique centrale.
Cette coalition improbable soulève des questions sur la manière dont ces partis cherchent à exploiter la crise congolaise pour servir leurs propres intérêts politiques.
Avec Radio France Internationale